Si le nombre de conversions a augmenté considérablement ces deux dernières années et que les consommateurs affirment leur soutien au bio, l’avenir de l’agriculture bio française reste incertain. Explications.
Selon l’Agence bio, en 2009, chaque mois, 300 producteurs nouveaux se sont engagés dans la filière biologique, soit une hausse de 23 % par rapport à 2008. Alors qu’ils étaient 13.300 fin 2008, ils sont passés à 16.400 fin 2009. Tous les secteurs de production sont concernés (fruits, légumes, œufs, viande…).
Selon les premières estimations, 3,2 % des exploitations françaises seraient bio fin 2009, soit 670.000 hectares au total (516.000 certifiés et 154.000 en conversion). Ce qui correspond à 2,4 voire 2,5 % de la surface agricole utile (SAU)…
Une évolution nécessaire : le déséquilibre offre/demande s’est accentué ces dernières années au profit des circuits d’importations, qui représenteraient plus de 30 % des ventes aujourd’hui. Si un tiers de ces produits sont considérés comme incontournables (produits tropicaux, agrumes…), un tiers sont des produits où la France n’a pas d’avantages compétitifs (soja, aquaculture, légumes méditerranéens, épiceries) et un tiers sont des produits où les volumes manquent (céréales, laits, fruits et légumes).
Pour inverser cette tendance, la France s’est fixée comme objectif d’atteindre 6 % de surfaces agricoles biologiques en 2012 et 20 % en 2020. Pour y parvenir, de nombreux dispositifs de soutien ont été mis en place (dispositif d’aide à la conversion (CAB), doublement du crédit d’impôt applicable aux exploitations biologiques…).
La compétitivité de la production française en question
»Le plan Barnier a décidé de soutenir l’agriculture biologique de manière importante, mais à travers la grande distribution, la restauration collective… Cela a créé un appel d’air important, alors que rien n’a été mis en place pour soutenir la production, ce qui a conduit à une hausse des importations », analyse Guy Kastler, chargé de mission à Nature et Progrès.
Pourtant, une hausse de la production française ne changera pas forcément la donne…
»Les grands groupes, les discounters se basent sur le tout importation pour des questions de volumes mais aussi de coût, explique Jacques Pior. Et si malgré la crise, il semble que les consommateurs maintiennent leurs souhaits de consommation bio, le réservoir de consommateurs encore en capacité d’acheter bio au prix actuel est inconnu. A l’heure actuelle, avec près de 3 % de la SAU et les importations, l’offre arrive à suivre la demande ».
Selon lui, une production française à la hausse ne trouvera pas forcément de débouchés par manque de compétitivité… »Le contexte français n’a rien d’original. Le bio n’échappe pas au marché mondial… ». Et de s’interroger : »y a t-il une demande, des débouchés pour la production bio française ? Il y a certes une réelle volonté de l’Etat mais en termes d’organisation et de logistique, cela ne suit pas. Aujourd’hui, la moyenne de conversion annuelle avoisine les 3.500, il en sera probablement de même en 2010. Ces produits arriveront sur le marché dans deux ou trois ans, ce qui nécessite une organisation des filières, et du rapport offre/demande ».
L’importance de l’initiative locale
Si les politiques agricoles doivent changer pour être plus favorables à l’agriculture biologique, des initiatives prouvent dès aujourd’hui leur efficacité pour rendre les productions locales compétitives.
»Si on respecte la saisonnalité des produits, on peut trouver des produits bio locaux moins chers que les produits importés », note Jacques Pior. En jouant sur la proximité, les circuits courts, le bio peut être également plus abordable…. Le fort développement des marchés bio, des AMAP et de la vente directe contribuent à une meilleure accessibilité du bio.
La structuration des filières au niveau local est également indispensable : »les coopératives agricoles bio ont un grand rôle à jouer, notamment pour des filières comme la viande, les céréales, le lait… Le dispositif Avenir bio, mis en place dans le cadre du plan Barnier, soutient les projets bio sous réserve que des contrats soient passés avec des producteurs nationaux. Cet outil est très utile, il soutient la production locale et vise à mettre en phase la production et le marché », explique Jacques Pior. Ce fonds de structuration des filières, lancé en 2008, a été doté de 3 millions d’euros par an pendant cinq ans.
Il ne faut pas oublier l’initiative locale… »Tout ne peut pas venir d’en haut ! Les collectivités territoriales peuvent aider à débloquer les choses malgré un contexte général défavorable. Certaines régions, comme Rhône-Alpes ou Aquitaine, mènent des politiques de soutien à l’agriculture biologique. Des communes créent des cantines bio et passent des contrats avec des producteurs locaux. On voit également de plus en plus d’actions sur le foncier : les communes installent sur leurs terrains des maraîchers bio », explique Guy Kastler. Et de citer les régions historiques du bio (Rhône-Alpes, PACA, Pays de Loire) qui ont puisé leur force via le développement de filières locales (entreprises de valorisation, points de vente spécialisés…).